Les prescriptions du Dr Muller
Les Rolling Stones
On l'a déjà dit ici : il y avait dans les années 60 deux coteries qui s'opposaient : les fans des Beatles et les fans des Stones. Cette compétition était l'oeuvre d'Andrew Loog Oldham, le manager des Rolling Stones qui devait connaître Tayllerand (?), le ministre des affaires étrangères de Napoléon, qui disait "Qu'on en parle en bien ou en mal, pourvu qu'on en parle." Oldham a basé sa stratégie sur les bons Beatles, gendre idéaux, opposés aux Rolling Stones, voyous crasseux aux cheveux longs. Cependant si l'on approfondit un peu les choses, on se rend compte qu'il y avait d'un coté d'authentiques prolétaires rockers de Liverpool face aux étudiants fans de Blues d'École de l'Art londoniens. Cela dit, les Stones se sont fait un plaisir de défrayer la chronique qui n'en demandait pas tant. Et il est vrai que ni Jagger, Richards et Jones n'étaient des saints...
Little Boy Blue and the Blue Boys
Tout débute en octobre 1960 quant Mick Jagger et Keith Richards, amis d'enfance qui s'étaient perdus de vue se retrouvent sur le quai de la gare de Dartford. Jagger a un disque avec lui The Best Of Muddy Waters ce qui incite Richards à venir lui parler. Jagger lui propose alors de rejoindre le groupe qu'il vient de monter Little Boy Blue and The Blue Boys. Richards accepte et vient aux répétitions avec Dick Taylor (future guitariste et fondateur des Pretty Things). Parfois le hasard fait bien les choses : un certain Brian Jones, grand amateur de Blues lui aussi, s'est acoquiné avec le pianiste Ian Stewart et tous deux fréquentent le Ealing Club, un Club de jazz de la banlieue ouest de Londres. Un club où joue Jagger et son groupe, un club où joue aussi un des pionniers du Blues anglais, Alexis Korner, avec son groupe les Blues Incorporated dont le batteur est un certain Charlie Watts.
Vous imaginez la suite... Le premier concert des Rolling Stones a lieu à Londres le 12 juillet 1962. Le groupe est alors composé de Brian Jones, Mick Jagger, Keith Richards, Dick Taylor à la basse et Mick Avory (futur Kinks) à la batterie. Le groupe prend forme définitivement en 1963 avec l'arrivée de Bill Wyman à la basse et de Charlie Watts à la batterie.
1963 - Beatles vs Stones
1963 est une année clé pour les Stones car c'est à ce moment qu'ils signent un contrat avec Andrew Loog Oldham et enregistrent leur premier 45 T pour Decca ("Come On" de Chuck Berry et "I Want To Be Loved" de Willie Dixon). Ils font leur première apparition télévisée dans l'émission "Thank You Lucky Star" et leur apparence crée le scandale : ils ont les cheveux longs ! Plus long que les Beatles !
Cependant l'opposition entre les deux groupes est artificielle. Ils se connaissent et s'apprécient. Les Beatles leur ont fait cadeau d'"I Wanna Be Your Man" pour leur deuxième single. De plus, ils ont des influences musicales communes en ce qui concerne le rock. La différence est plutôt dans le temps que mettront Jagger et Richards pour composer des titres originaux d'abord sous le pseudonyme de Nanker/Phelge puis sous leur propre nom. Il faut dire que l'idée vient d'Oldham qui veut créer un tandem de compositeurs comme celui que forment Lennon et Mc Cartney. La suite ? une flopée de tubes : "The Last Time", "Satisfaction", "Paint It Black", "Under My Thumb", etc.
Carol
Sous l'influence de Brian Jones, les Stones, comme les Beatles, s'éloignent du Blues et du Rock traditionnel et commencent à expérimenter (le sitar de "Paint It Black", la dulcimer sur "Lady Jane", les marinbas sur "Under My Thumb", l'un des premiers morceaux longs de l'histoire du rock, "Going Home" sur Aftermath). On peut aussi créditer Brian Jones des audaces de Their Satanic Majesties Requiest (1967). 1967 n'est pas un mauvais cru pour les Stones mais ils doivent regarder derrière eux lorsqu'ils rentrent à la maison : la brigade des stups les surveille.
Brian s'en va
1968. Brian qui a été celui qui a permis la création du groupe et leur premier leader est maintenant mis à l'écart par Jagger et Richards : il devient incontrôlable, prend trop de drogues, n'arrive plus à jouer. Tout cela n'empêche pas le groupe de sortir un de leur meilleurs albums : Beggars Banquet qui marque le retour au blues et au rock avec notamment "Simpathy For The Devil" "Parachute Woman".
Mais Brian s'enfonce de plus en plus et il finit par s'enfoncer dans sa piscine et n'en plus remonter le 3 juillet 1969. Certains affirment que les Stones n'ont plus été les Stones après la mort de Brian Jones. A cela, on pourrait répondre que si Brian a eu un rôle charnière dans les premières années du groupe, il avait été détrôné depuis pas mal de temps par le duo Jagger/Richards. C'est un certain Mick Taylor qui le remplace en tant que guitariste dans le groupe. Taylor a joué auparavant avec les Bluesbreakers de John Mayall, pionnier du Blues anglais qui a aussi employé Eric Clapton et Peter Green (Fleetwood Mac). Mais Taylor ne sera jamais un Rolling Stone. Il n'empêche, de 1969 à 1972, les Rolling Stones sortent ce que l'on peut considérer comme leurs meilleurs albums : Let It Bleed ("Gimme Shelter", "Midnight Rambler", "Country Honk Woman"), le fabuleux live Get Yer Yas Ya's Out, Sticky Fingers ("Brown Sugar", "Dead Flowers", "Sister Morphine", "Bitch", "Wild Horses") et le double Exile On Main Street ("Sweet Black Angel", "Rocks off", "Rip This Joint", "Tumbling Dice").
Leur histoire ne s'arrête pas là mais il me semble qu'à partir de Goat's Head Soup (1973) les Rolling Stones ont entretenu leur fonds de commerce et ont enregistré des albums qui s'ils ne sont pas mauvais ne sont plus les classiques des années 60 et du début des années 70. Ron Wood, clone de Keith Richards a remplacé Mick Taylor, Bill Wyman n'est plus là. Keith Richards est devenu l'archétype du rocker drogué et Jagger ressemble de plus en plus à Dorian Gray. Mais on peut créditer les Rolling Stones d'avoir été le "meilleur groupe de rock'n'roll du monde" et ce n'est pas rien !