Les prescriptions du Dr Muller
Velvet Underground : sado-masochisme et drogues
La musique des bas-fonds de New York
Dès son premier album, le Velvet Underground a quelque chose de spécial, quelque chose qu'aucun autre groupe des années 60 ne possède. Leur musique n'a rien à voir avec le rock ou le rythm and blues qui triomphent dans les hit parades de l'époque.
Le groupe est né de la rencontre entre Lou Reed et John Cale. Le premier écrit des chansons commerciales pour un petit label, il a même monté un groupe de studio pour les enregistrer, The Primitives, le second a étudié le violon classique et s'est orienté ensuite vers la musique contemporaine et a joué avec le compositeur La Monte Young. Il y a aussi le guitariste Sterling Morrisson et le percussionniste Angus Mc Lise. Ce dernier part en Inde, il est remplacé par Moe Tucker à la batterie, une exception car les femmes qui jouent de la batterie dans un groupe se comptent sur les doigts de la main à l'époque. De plus, elle joue debout, sans cymbales.
The Velvet Underground And Nico
1965, le groupe répète à la Factory d'Andy Wharol. Celui-ci pense qu'il leur manque quelque chose : une figure charismatique susceptible de retenir l'attention du public. Il leur impose alors comme chanteuse la sculpturale blonde autrichienne Nico qui a fait une apparition dans La Dolce Vita de Fellini. A vrai dire tout ne se passe pas pour le mieux avec Nico. Elle veut chanter sur tous les morceaux et le groupe se sent dépossédé. Nico figure sur trois titres du 1er album du Velvet Underground ("Femme Fatale", All Tomorrow's Parties", "I'll Be Your Mirror"), pas les moins vénéneux mais les plus « apaisés ». Il faut aussi citer le célèbre "Heroïn" qui parle de l'injection de drogue du point de vue du drogué, "Venus In Furs" et sa référence au sado-masochisme, "I'm Waiting For The Man" ou l'attente du dealer, "Run, Run, Run", descente aux enfers des amphétamines. Ce disque, The Velvet Underground And Nico (1967), marche assez bien à ses débuts mais un désaccord entre un membre de la Factory et la maison de disque fait que celle-ci le retire de la vente et quand il est de nouveau distribué, c'est trop tard.
Venus in furs
Andy Wharol presents The Exploding Plastic Inevitable With The Velvet Underground
Sur scène le groupe produit un show original : les projections d'Andy Wharol entourent le groupe créant ainsi le premier light show. Il y aussi les danseurs Gerard Malanga et Mary Maronov, Malanga qui, à un moment, se saisit d'un fouet et mime une relation sado-masochiste avec Mary. L'univers du Velvet est peuplé de prostituées, de travestis, de speed-freaks, de junkies, de paumés de l'underground new yorkais. Le spectacle s'intitule "Andy Wharol presents The Exploding Plastic Inevitable With The Velvet Underground". Mais si la collaboration avec Wharol porte ses fruits et fait connaître le groupe auprès du public branché, on ne peut pas dire qu'il squatte le top du hit-parade...
Sister Ray
Ce n'est pas le second album qui arrange les choses, au contraire. White Light White Heat est encore plus radical que le premier. Nico n'est plus là et Reed et Cale s'en donnent à coeur joie. Lumière blanche, chaleur blanche ("White Light White Heat), LSD et amphétamines ou héroïne c'est selon, débute l'album. Et puis, surtout, il y a le monstrueux « Sister Ray » où l'histoire d'un travesti défoncé aux amphétamines racontée par Lou Reed tandis que John Cale malmène son violon alto avec la distorsion et le feedback, le tout à un train d'enfer. Certainement pas un titre qui pouvait passer dans les radios de l'époque.
Cet album est un tournant car d'une part il se vend mal et d'autre part, John Cale quitte le groupe ou est viré par Lou Reed selon les versions. Lou, pour le remplacer, engage un jeune musicien qui lui posera moins de problème de leadership que Cale, Doug Yule.
C'est donc avec cette nouvelle formation que le Velvet enregistre son troisième album The Velvet Underground (1969), un album apaisé avec moins de stridences que les deux précédents. Il comporte notamment la très belle ballade « Candy Say » mais aussi les merveilleux « Pale Blue Eyes » et « Beginning To See The Light ».
Loaded
Puis Verve Records, la maison de disque du Velvet depuis ses débuts lâche le groupe. Le Velvet signe alors pour deux albums avec Atlantic. Il en sortira le sous-estimé Loaded (1970) où figurent deux classiques de Lou Reed : « Sweet Jane » et « Rock'n'Roll ».
Rock and roll
Mais Lou Reed est fatigué, Moe Tucker est enceinte jusqu'aux dents, Lou quitte le groupe. Atlantic publie le dernier disque du groupe avec Lou Reed, c'est le Live At Max's Kansas City (1972). Il n'y a guère d'espoir que le groupe se reforme un jour : Lou Reed est mort le 27 octobre 2013, Sterling Morisson l'a précédé en 1995, John Cale poursiut sa carrière et Maureen Tucker joue de temps avec d'anciens compagonons du bon vieux temps.
Critiqué, rejeté pendant son existence, le Velvet Underground est reconnu aujourd'hui comme un groupe majeur de l'histoire du rock, un groupe qui a influencé des centaines d'autres groupes. Comme l'a dit Brian Eno « Il n'y a peut être que 1000 personnes qui ont acheté le premier album du Velvet Underground, mais chacune d'entre elles a ensuite fondé un groupe. »