Les prescriptions du Dr Muller

Hound Dog, c'est l'histoire d'un chien, c'est l'histoire d'un gigolo

 

« Hound Dog » est le rock par lequel tout est arrivé : Elvis, les adolescent(e)s déchainé(e)s, l’hystérie des parents et des ligues de vertu

 

Elvis « The Pelvis »

Studio RCA, lundi 2 juillet 1956, Elvis termine sa troisième et dernière version de « Hound Dog » qui doit figurer en face B de « Don't Be Cruel » et de la ballade « Any Way You Want Me ». Un mois avant la session d'enregistrement, RCA a procuré à Elvis la version de « Hound Dog » enregistrée en 1953 par Willie Mae “Big Mama” Thornton’s (un n°1 dans les charts R& B en 1953). Personne à RCA ne comprend pourquoi Presley veut sortir ce morceau qui, pensent-ils, est une horreur. Il est vrai que « Hound Dog » est typique des titres blues et Rythm'n Blues de l'époque. En l’occurrence il s'agit de décrire une femme qui veut se débarrasser de son gigolo et lui dit crûment «Tu n'es qu'un chien en chaleur qui rode autour de ma maison,  tu peux remuer la queue, je ne te nourrirai plus ». Dans l'esprit de ses créateurs, Jerry Leiber et Mike Stoller la chanson parle d'un salopard pour ne pas dire d'un « enculé de sa mère », en anglais « Dirty motherfucker ».

Big Mama Thornton

Freddy Bell & The Bell Boys

Mais Elvis n'a pas basé pas sa version sur celle de Big Mama Thornton. Le titre a déjà été repris par des artistes Country-western mais ce n'est pas cela qui inspire Presley mais plutôt la déclinaison de Freddy Bell & The Bell Boys (1955) dont les paroles sont modifiées de manière à évacuer les connotations sexuelles. Ainsi « tu peux remuer la queue, je ne te nourrirai plus » devient « Tu n'a jamais attrapé un lapin et tu n'es pas mon ami » ce qui ramène « Hound Dog » du coté de Bugs Bunny et de son ennemi juré, Elmer. Ainsi les mères de famille peuvent acheter le disque pour leur progéniture.

Billy Star

 

Freddy Bell & The Bell Boys

Controverse à la télé

Elvis va interpréter « Hound Dog » pour la première fois dans le Milton Berle Show. C'est sa seconde apparition dans l'émission et à cette occasion Berle l'encourage à mimer le titre sans sa guitare, histoire de ne pas trop érotiser le scandaleux rocker mais cela ne marche pas et, au contraire, le rend encore plus désirable pour les teen-agers qui assistent au spectacle en imaginant les mouvements de hanche lascifs du King. Bien entendu cela déclenche une controverse, le célèbre présentateur TV Ed Sullivan déclare que « cette chanson n'est pas adaptée à un public familial ». Lors de la seconde interprétation,dans le show de Steve Allen, le King se voit affublé d'un basset coiffé d'un haut-de-forme pendant qu'il joue le titre. Allen a toujours prétendu que « c'était pour rire » mais de fait, il n'en était rien. C'était une insulte car Allen qualifiait le rock, dans son émission, de musique pour analphabètes, d'ordure et, injure suprême à l'époque, de « musique tribale ».

Elvis

Elvis s'en fout

Plus tard Elvis qualifiera cette dernière prestation comme l'une des pires de sa carrière. Il déclarera aussi qu'il se foutait des critiques et qu'il ne chantait pas une chanson pornographique. Il est vrai qu'il avait choisi la version édulcorée plutôt que celle de Thornton bien plus explicite. Cependant la gestuelle érotique du King était encore plus parlante que les paroles mêmes. Toujours est-il que cet épisode médiatique représente pour le journal Rolling Stone « une déclaration d'indépendance d'une génération envers des aînés rigides et puritains » (« Les 500 plus grandes chansons de tous les temps »).

Les versions

Il y a eu de nombreuses version de « Hound Dog ». Elles se divisent comme on peut l'imaginer entre celles inspirées de Big Mama et celles inspirée de Freddy Bell via Elvis. Il y eut d'abord des versions country-western comme Hazelwood, Besty Gay, Jack Turner ou Billy Star. Puis les puristes comme Clapton, par exemple,optèrent pour le modèle Thornton. C'est aussi le cas de John Lennon, des Rolling Stones, de Jerry Lee Lewis. Il y eu, bien sur, des versions Twist et Surf mais encore celles de Tom Jones, Jimi Hendrix sans oublier Sigue Sigue Sputnik en 2001.

Surfaris - la version Surf

Jimi Hendrix Experience BBC - une version avec aboiements et jappements

John Lennon - où il s'avère que John est un fan du King

Rolling Stones - pas la meilleure version mais pour le document

T Rex - il ne s'agit pas du T Rex glam mais plutôt du Tyrannosaurus Rex

Tom Jones - un Hound Dog tout en testostérone

Sigue Sigue Sputnick - où Suicide rejoint le disco-punk

 

En définitive, ce qui semble le plus amusant dans toute cette histoire est surtout que « Hound Dog » est resté comme une histoire de chien plus que comme celle d'un gigolo éconduit par sa nourricière. Comme quoi le « double-entendre » comme le disent les américains n'a pas vraiment été entendu.


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