Les prescriptions du Dr Muller

Les teen-agers zombies se sont échappés du cimetière


Tim Warren, compilateur de la série Back From The Grave a déterré de nombreuses obscurités garage réjouissantes


Des Cramps aux Swamp Rats

Tim Warren est un drôle de zigoto, drôle pour avoir eu l'idée de ces compilations qui ont rendu vie à des groupes dont personne n'avait, ou presque, entendu parler avant lui. Zigoto car les 10 volumes des Back From The Crypt ne comprennent que des groupes obscurs ayant enregistré entre 1964 et 1966, pas avant, pas après. Par ailleurs, aucun groupe psychédélique même punk n'est inclus dans ses sélections (Warren a peur de l'acide...). C'est dire si le créneau est limité. Cela s'explique ainsi selon les dires de Warren : «  J’étais branché punk rock, les Ramones et en particulier les Cramps (qui ont repris le “Strychine” des Sonics sur leur premier album, en 1980). J’aimais leur logique ‘plus c’est obscur, mieux c’est. ». Sa profession de foi est sans ambiguïté : « La plupart des groupes de rock’n’roll, de garage et de soul étaient formés de prolos. Comme ils n’allaient pas à la fac, ils devaient aller au Vietnam. Environ la moitié des mecs qui jouaient dans des groupes, qu’ils soient noirs ou blancs, y ont été envoyés alors que les riches des grandes villes n’y sont pas allés, comme George W. Bush. En plus, les goûts des étudiants des classes aisées des grandes villes étaient formés pour être plus sophistiqués. C’est majoritairement chez eux qu’ont été recrutés les groupes qui ont fini par jouer avec des violons, des orchestres, toute cette merde post-Sgt. Pepper’s qui s’est incrustée dans la musique et qui lui a fait beaucoup de mal, je crois. ».

Warren découvre ensuite les compilations Peebles puis est contacté par Billy Miller, chanteur des Zantees, qui coédite le fanzine Kicks avec la première batteuse des Cramps, Miriam Lynna. Grâce à ces derniers, il met la main sur un stock de vinyles garage et rapidement devient un vinyle junkie à la recherche de pépites dans les bacs à soldes des disquaires.


Plus c'est obscur, mieux c'est

Warren se met ensuite à échanger des cassettes avec Greg Prevost, le chanteur des Chesterfield Kings puis franchit une étape supplémentaire dans sa monomanie : il se transforme non pas en zombie ou en teen-ager loup-garou mais en compilateur et publie le premier volume des Back From The Grave. Viendront ensuite d'autres compilations du même tonneau : groupes adolescents hystériques portés sur le hurlement d'outre-tombe, la fuzz et la distorsion à fond, les paroles idiotes, le bruit réjouissant et de la testostérone à revendre. Les 10 éditions de Back From The Grave sont parues entre 1983 et 1992. Les volumes 7 et 8 sont des doubles albums. Pour simplifier les choses, il y a, bien sur, une édition CD en 8 volumes. Notons enfin les pochettes de ces albums inspirées par les magazines de bandes dessinées d'horreur tels que Vampirella, Eerie, Creepie, malheureusement disparus de nos jours. Ces pochettes montrent des exécutions de membres de l'establishment rock’n’roll que Warren ne porte guère dans son cœur.


Et les albums ?

Oui, et la musique dans tout ça ? Peut-on parler de musique en ce qui concerne ces éjaculations d'adolescents qui imitent les Stones, Pretty Things, Animals, Yarbirds, Them ? Dans la majeure partie des cas, on est loin, très loin d'une musique sophistiquée et très proche de l'homme de Neandertal qui frappe sur ses tambours. Mais qu'importe, c'est souvent jouissif et l'on est emporté par la détermination et l'implication de tous ces lycéens qui se rêvent en rock stars devant leurs copines. On ne va pas explorer pas à pas ces dix volumes mais plutôt en présenter les groupes les plus intéressants à notre sens.


Back From The Grave, Volume 1

Du premier opus, on retiendra plus particulièrement The Alarm Clocks et The Swamp Rats

 

 

 


The Alarm Clocks

Ces derniers sont originaires de Parma, un faubourg de Cleveland Ohio. En 1964, Bruce Boehm est touché par la Beatlemania, il prend une guitare et forme The Perceptions avec le batteur Tim Doublas et le bassiste Jeff Suveges. En 1965, il change son fusil d'épaule et monte avec son voisin, Mike Pearce et le batteur Bill Swhwark un trio sous influences Stones, Kinks, Who et Animals : The Alarm Clocks. C'est au printemps 1966 qu'ils enregistrent leur 1er single avec  « Yeah » en face A et « No Reason To Complain » en face B. Ce single séminal a depuis largement influencé la scène néo-garage des 80's : reprise de « Yeah » par Thee Fourgiven, par les Sick Rose, par The Lyres.

No reason to complain

The Swamp Rats

C'est en 1966 que les ex The Fantastic Dee Jays de Pittsburgh deviennent les Swamp Rats et se spécialisent dans les reprises sauvages des classiques proto-punks de la période. On retiendra leur version aussi larguée sinon plus que celle des Sonics de « Psycho ».

Psycho

Back From The Grave, Volume 2

Du deuxième opus de Back From The Grave, les petits préférés sont « Victim Of Circumstances » par Roy Junior qui n'est autre que le fils de la légende de la Contry, Roy acuff. On apprécie aussi « Cry, Cry, Cry » des Unrelated Segments de Detroit et «(Would I Still be) Her Big Man » par The Brigands. A noter sur ce Volume 2, la version originale de "The Crusher" rendue célèbre par les Cramps.

 


Roy Junior

Roy Acuff n'a pas réussi à se faire un prénom, victime des circonstances ?

Victim of Circumstances

Unrelated Segments

Ce groupe de Detroit fût l'un des groupes les plus populaires de la ville avec Bob Seger, Terry Knight And The Pack (Futurs Grand Funk Railroad), SRC, Frost (avec Dick Wagner) et le MC5. « Cry, Cry, Cry » est sorti pendant l'été 1968.

Cry, Cry, Cry

Brigands

Avec les Brigands, on traverse les USA et on se retrouve à Forest Hills, New York. Leur « tube » raconte l'histoire d'un type qui travaille comme prolo et doit subvenir aux dispendieux besoins de sa petite amie. Ledit type se demande : « m'aimera t'elle encore si elle venait à savoir que je ne suis qu'un ouvrier ? »

(Would I Still Be) Her Big man

The Novas

Les Novas sont un quatuor originaire de Edina, Minnesota. Leur relatif quart d'heure de célébrité a été enregistré en 1965

The Crusher

Back From the Grave, Volume 3

Du troisième volume, tirons la substantifique moelle, en l'occurrence Murphy & The Mob et son « Born Loser »

 

 

 

 


Murphy And The Mob

De Murphy et de la foule, on ne sait pas grand chose, même pas l'année de l'enregistrement de leur « Né perdant » sinon que le groupe vient de Tyler, Texas.

Born Loser


Back From The Grave, Volume 4


Beaucoup plus à se mettre sous la dent avec le 4ème volume : le fabuleux « Dinah Wants Religion » des Fabs, « Little Boy Blue » de Tonto and the Renegades et « Night of the Sadist » de Larry and the Blue Notes.

 

 

 


Fabs

Les Fabs seraient originaires de Fullerton, Californie. Ils ont commis leur seul single en 1966, un single repris par de nombreuses compilations garage-sixties. En tout cas l'on peut dire que Dinah veut vraiment de la religion et pas qu'un peu...

Dinah Wants Religion

Tonto and the Renegades

C'est en 1967 que Tonto et ses renégats commettent leur « Little Boy Blue ». Le groupe opérait du coté de Lansing dans le Michigan. Ils étaient produits par Dick Wagner (Bossmen, Frost, futur guitariste de Lou Reed).

Little Boy Blue

Larry and the Blue Notes

Larry et ses notes bleues viennent de Fort Worth. Leur 1er titre enregistré fût cette « nuit du sadique » basée sur une sorte de monstre du Loch Ness local : le monstre du lac Worth Goat. Mais le groupe ne put sortir le morceau sous son titre original. L'entrepreneur local Major Bill Smith ayant senti qu'il tenait un tube, fit enlever le sadique du titre et le remplaça par le plus anodin fantôme.

Night of the Sadist

Back FromThe Grave, Volume 5

On apprécie tout particulièrement « Stormy » par les Jesters of Newport sur cette 5ème édition.

 

 

 

 


Jesters of Newport

Ce quatuor était originaire de Santa Claus, Californie. Ils ont enregistré leur unique single dans l'arrière boutique d'un magasin de disque. « Stormy » est un intéressant croisement entre le surf et le garage. L'organiste du groupe jouait auparavant dans un groupe surf...

Stormy

Back From The Grave, Volume 6 et 7

Rien de particulier à signaler pour le volume 6 par contre le volume 7 contient deux perles : le primitif proto-punk « Are You for Real, Girl ? » des Mystic Five et « Slander » de Ty Wagner

 

 


Mystic Five

C'est en 1966 que les Mystic Fives, originaires de Venetia, Pennsylvanie sortent leur seul tentative de gloire pour l'éternité : est tu pour de vrai, fille ? Va savoir...

Are you for real, Girl ?

Ty Wagner

Ty Wagner, de Los Angeles, est un rocker du début des sixties qui a survécu à la boucherie de la british invasion et a enregistré de nombreux 45T. « Slander » s'adresse à une fille qui n'est qu'une frimeuse. Vilaine !

Slander

Back From The Grave, Volume 8

Trois pépites sur ce volume 8 : les frénétiques « Can't Tame Me » des Benders et « Lorna » par Adrian Lloyd sans oublier le menaçant « Little White Lies » des Painted Ship.

 

 

 


Benders

Les quatre Benders étaient étudiants à l'université Stout, Marinette, Wisconsin, près de la frontière avec le Michigan. Vocaux surexcités et des tonnes de guitare fuzz font le charme sans fard de ce titre.

Can't Tame Me

Adrian Lloyd

Ah ça, il l'aime sa Lorna, Adrian. Il le crie très fort même. Adrian Lloyd a la particularité d'être anglais, un anglais qui est allé à Los Angeles pour graver ce titre menaçant que personne n'a encore osé reprendre.

Lorna

Painted Ship

Le vaisseau peint a appareillé depuis Vancouver, Canada, en 1965. Son capitaine était un certain William Hay. Celui-ci était amateur du son du Northwest (Wailers, Sonics )et désirait faire quelque chose de différent des tube sirupeux ou des versions inférieures des tubes anglais qu'il entendait à la radio. « Little White Lies » en conséquence traite des relations amoureuses d'une manière plus réaliste : ces petits mensonges que j'ai dit...

I Told Those Little White Lies

Back From The Grave, Volume 9 & 10

De ces deux volumes, on apprécie tout spécialement la version de « Hey Gip » par The Orphans, « Wild Man » par James Bond & His Agents et la version de « The Witch » des Sonics par GMC & The Arcells

 

 

 


The Orphans

Ces orphelins le sont vraiment du moins en matière de notoriété, on ne sait ni qui ils sont, ni d'où ils viennent.Dur !

Hey Gip

James Bond and his Agents

Plus méconnu tu meurs, 007 est vraiment un homme sauvage

Wild angel

GMC & The Arcells

Là encore Back From The Grave fait fort même l’omniscient Google ne peut rien...

The Witch

Voilà pour ce tour d'horizon de cette série de compilations dédiées à tous ces groupes inconnus qui ne méritaient pas, pour certains, de le rester. Il n'en reste pas moins que les critères retenus évacuent pas mal de groupes intéressants ce qui peut se comprendre à l'aune de la passion de Tim Warren pour les obscurités garage-sixties. Cependant au delà de la nostalgie, ces albums montrent que l'on a pas besoin d'être un monstre de technique pour produire une musique excitante, passionnée et passionnante, grâce soit rendue à Tim Warren pour son activisme.

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