Tout d'abord, il y a la pochette du premier et seul album officiel des Heartbreakers, LAMF. Sur fond noir, dans un cercle, quatre hommes, le guitariste Walter Lure, le chanteur-guitariste Johnny Thunders, le bassiste Billy Rath, le batteur Jerry Nolan. Quatre hommes qui attendent quelque chose, quelqu'un. Leur accoutrement, pantalons de vinyle, costume élimé , blouson noir, pull trop large et leur attitude suggère que ce n'est pas leur petite sœur à la sortie du lycée. Autre élément instructif, le mur sur lequel Thunders et Nolan s'appuient, son état de délabrement, les tags. Tout fait penser qu'il s'agit de toxicomanes qui attendent leur dealer avant de pouvoir aller se faire un fix.

Les junkies

Il est vrai que Thunders et Nolan avaient pensé appeler leur groupe The Junkies mais qu'ils s'étaient dit qu'avec un nom pareil ce serait difficile de trouver des contrats...

Tout a commencé en août 1975 quand Thunders (John Antony Genzale jr) et Nolan sont dans l'avion qui les ramène à New York après avoir quitté les New Yorks Dolls et leur dernière et désastreuse tournée. Une fois arrivés, ils recrutent l'ex Television Richard Hell à la basse et au chant puis Walter Lure à la guitare. Hell ne s'éternise pas dans le groupe et est rapidement remplacé par Billy Rath.

Un billet pour l'Angleterre

Bien que le groupe soit un groupe de scène formidable et qu'à New York il rencontre un succès certain, personne ne veut entendre parler d'eux ailleurs. En cause, les excès des Dolls et une mauvaise réputation de drogués amplement justifiée. Ils trouvent le temps long d'autant plus que l'héroïne ça coute cher. Mais la chance semble tourner avec un engagement de l'autre coté de l'Atlantique, à Londres, où l'ex manager des Dolls, Malcom Mc Laren a lancé le mouvement Punk et organise une tournée, l'Anarchy Tour (1977) avec The Clash, The Sex Pistols, The Damned. Leee Childers, leur manager, leur offre un aller simple pour Londres. Mais ce qui devait être la tournée qui les ferait connaître tourne au cauchemar. Suite à l'altercation des Pistols en direct à la BBC avec le présentateur Bill Grundy, les salles qui avaient été contactées pour recevoir la tournée se récusent les unes après les autres.

LAMF

Les Heartbreakers se retrouvent coincés en Angleterre et jouent partout où ils le peuvent. Fin 76, ils finissent par trouver une compagnie de disques qui accepte de financer leur 1er album, Track Records. Ils sortent tout d'abord un single : "Chinese Rocks" (écrit par Dee Dee Ramone) et "Born to lose" (1976). Puis c'est l'album LAMF (1977), aussi appelé DTK LAMF (Down to kill, prêts à tuer pour DTK).

 

Chinese Rocks

 

C'est un classique ! Malgré un mixage en dessous de tout, le disque comporte des titres qui vont devenir des classiques du punk, du rock tout court. Les guitares rageuses de Thunders et de Lure emportent tout sur leur passage. "All By Myself", "Pirate Love", "Born To Lose", "Let Go", "One Track Mind", "Get Of The Phone", "I Wanna Be Loved", rien n'est à jeter. Le rock des Heartbreakers est influencé par les Girls groups des 60's, la soul de ces mêmes années mais aussi par le rock garage, les Rolling Stones des débuts, les Yarbirds et le jeu de guitare incisif d'un Thunders vaut bien celui d'un Jimmy Page ou d'un Jeff Beck de la grande époque.

 

Pirate Love

 

LAMF est à la fois l'apothéose du groupe et ce qui provoque sa dissolution. Jerry Nolan déçu par le mixage quitte le navire. Thunders et d'autres tenteront de remixer l'album mais les résultats ne seront jamais à la hauteur des espoirs. Les Hearbreakers se reformeront en 1984 et en 1989 pour un ultime concert à New York. Thunders poursuivra une carrière solo chaotique avec tout de même quelques belles réussite comme So Alone (1978) ou In Cold Blood (1983). Johnny a quitté ses comparses des Briseurs de cœur à tout jamais le 23 avril 1991 à cause, semble t-il, d'une overdose (il suivait un programme de méthadone depuis plusieurs années et des traces de coups ont été découvertes sur son corps, un meurtre ?).

On se rappellera d'un grand guitariste doublé d'un bon chanteur dans ses bons jours et d'un compositeur parfois inspiré. Les Heartbreakers ont jailli telle une météorite rock mais les traces qu'ils ont laissées sont toujours visibles ainsi que leur influence, pour le meilleur et pour le pire.

Il existe beaucoup d'enregistrements live des Heartbreakers sur le marché, certains sont de qualité mais la plupart ont un son boueux. Si vous voulez découvrir les Heartbreakers, c'est l'album officiel qu'il faut écouter avant tout, le reste est facultatif...