Noël Deschamps, le Mod-rocker

Noël Deschamps n'a pas laissé une trace indélébile dans l'histoire du rock français versant Freakbeat à l'instar d'un Ronnie Bird, d'un Dutronc ou d'un Nino Ferrer

Une vocation précoce

Michel Philibert est né à Villefranche sur Saöne en 1942. Au début, il se voit plutôt en Raymond Kopa qu'en Elvis Preslesy. Mais un accident met un terme prématuré à sa carrière footballistique. Alors il remplit ses dimanches (je hais les dimanches) en squattant les surprises-parties où il découvre Ray Charles, Elvis, Gene Vincent et les autres. Il n'a pas 20 ans lorsqu'il monte son 1er groupe : Jimmy Dan et les Diables Rouges mais la France le réclame pour le service obligatoire à la mère patrie, exit Jimmy Dan. En 1962, il rejoint les Atomes qui le 22 novembre1963 remportent le prix du Golf Drouot. Les disques RCA flairent la bonne affaire et signent Noël (tout seul). En 1964 il enregistre un titre cuivré très Atlantic Records :« Ce n'est jamais assez ». Puis en 1965, il adapte le « She's Not There » des Zombies renommé « Te Voila ».

 

Te voila

Les années du succès

Noël Deschamps a eu du succès en son temps entre 1964 et 1967 mais moins que les gros vendeurs de l'époque. Il n'empêche que la musique qu'il jouait pourrait être qualifiée à la fois de rythm'n'blues à la française et d'excellent Freakbeat. Citons notamment « Je n'ai à t’offrir que mon amour » version de « Don't Le Me Be Misunderstood » des Animals et « Passe ton chemin » adapté du « Laugh Laugh » des Beau Brummels. Sur ce dernier titre, il est accompagné par Micky Jones, futur guitariste du Johnny national et futur Foreigner. Saluons au passage le goût très sur de Noël pour les reprises. Il participe à la polémique suscitée par Antoine avec ses « Élucubrations ». Ronnie Bird a taclé Antoine avec « Chante », Johnny avec « Cheveux Longs, Idées Courtes », Noël pour sa part adapte « Woul I Still Be Her Big Man » des Brigands (fallait le trouver ce titre !) qu'il transforme en « Ah si j'avais pensé » :

Extrait :

Ah, si j'avais pensé monter sur scène avec
Un habit de grenouille et un cigare au bec
Moi aussi j'aurais réussi
Comme tant d'autres aujourd'hui
Quand j'y pense
Oui, quand j'y pense
Que l'on m'excuse si je n'ai
Cherché qu'à bien chanter

Bon, toujours est-il qu'on se rappelle plus des « Élucubrations d'Antoine » que de ses détracteurs.

Je n'ai à t'offrir que mon amour

Passe ton chemin

Ah si j'avais pensé

Trois classiques, ils étaient trois...

En 1966, Noël reprend le « Bird Doggin' » de Gene Vincent qu'il intitule « Pour le Pied », ode aux voitures de sport, puis « Trapped » des espagnols Los Bravos revampé en « Ils Étaient Trois »,viol et vengeance, et enfin il interprète une composition d'un jeune auteur-compositeur débutant, un certain Alain Baschung (avec un c!), « Oh La Hey ». Si vous ne deviez écouter que trois titres de Noël Deschamps, c'est ceux là... On l'a déjà dit, Noël a toujours eu un instinct très sur quant aux reprises outre les titres précités, il s'est attaqué aux Moody Blues (« Say You Don't Mind » de Denny Laine ex Moody), aux Hollies, à Don Partridge, à John Mayall (« I Am Your Witchdoctor »).

Pour le pied

Ils étaient trois

Oh la hey

Fin du quart d'heure de célébrité

En 1967, Deschamps enregistre son unique album pour RCA en avril 1967. En pleine période hippie, la pochette de « Qu'est-ce qu'ils vont faire ? » anticipe Renault et le montre appuyé sur une mobylette devant une désolante cité HLM. Ensuite, fatigué des tournées à répétition et du manque de succès le mod aux costards impeccables se lasse et abandonne la partie en 1969. Il refait surface en 1972 avec « Un oiseau blanc », en 1976 avec « J'attends », en 1977 avec « La fille et le fou » mais son heure est passée. On le retrouve encore pour l'opéra d’Étienne Roda-Gil 36 Front Populaire puis « Du bleu pas du blues » (1980), « Noir, mon frère » (1984), « C'est pas ça la vie » (1997).

Injustement oublié, Noël Deschamps fût un excellent passeur du rythm'n'blues à l'anglaise. Il n'avait pas le sens de la provocation d'Antoine ou de Dutronc, le style anglais d'un Ronnie Bird, l'humour d'un Nino Ferrer mais on regrettera que l'époque n'ait pas su reconnaître une voix puissante, unique, digne des meilleurs hurleurs de blues de la période mais comme le disent si bien les Rita Mitsouko « C'est comme ça ».