Les prescriptions du Dr Muller

« Si ce n'est pas raide, ça ne vaut pas un clou » ou l'histoire de Stiff


Pendant ses 10 ans d'existence Stiff a été le label indépendant anglais le plus aventureux grâce à ses deux fondateurs Jake Riviera et Dave Robinson.


La musique d'aujourd'hui pour les gens d'aujourd'hui

stiffL'explosion du punk en 1976 a vu des dizaines de petits labels discographiques voir le jour. Stiff fût l'un des plus emblématiques. Il a été fondé par deux corsaires de l'industrie musicale : Jake Riviera manager de Dr Feelgood et Dave Robinson au CV un peu plus chargé (il a travaillé avec Hendrix comme manager de tournée et The Move et avec Brinsley Schwarz, groupe du bassiste Nick Lowe, au début des années 70). Le label fût fondé grâce à un prêt de 400 livres de Lee Brilleaux, le chanteur de Dr Feelgood. Les deux homme surent faire fructifier cette modeste somme.


Le label le plus flexible du monde

nick-loweLe 1er single du label fût un single de Nick Lowe (« So It Goes » / « Heart Of The City »). Celui-ci se vendit à 10 000 exemplaires ce qui pour un musicien peu connu (nonobstant ses qualités) à l'époque était un exploit. Le second single « Between The Lines » des activistes gauchistes du rock anglais, les Pink Fairies fit un score moins avantageux (moins de 5000 exemplaires) ce qui n'arrêta pas Robinson et Riviera. Les deux visionnaires empruntèrent pour financer ce qui est généralement considéré comme le 1er single punk anglais jamais enregistré : « New Rose » des Damned coiffant au poteau les Sex Pistols, les Stranglers et les Clash. Le 1er album des Damned, Damned, Damned, Damned paraît en mars 1977 et là encore c'est un carton « Ce fût un coup de chance plutôt qu'une intuition inspirée, mais le 1er album des Damned tient encore la route aujourd'hui. Ce fût un album mémorable. « New Rose » était et est encore aujourd’hui un grand riff » déclare Robinson au magazine The Indépendant. On ne peut qu'être d'accord avec lui et d'ailleurs les Damned eurent le plus grand mal à trouver une suite à ce début tonitruant. C'est encore Stiff qui sort en Angleterre le single de l'ex Television, Heartbreakers, Richard Hell « Blank Generation ». Hell, rappelons-le est celui qui a inventé le look punk, cheveux hérisson et tee-shirt déchiré raccommodé avec des épingles à nourrice (Hell n'aurait pas eu l'argent pour se payer un tee-shirt neuf, c'est du moins ce qu'il déclara).

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The Damned - New Rose

Nick Lowe - So It Goes

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Richard Hell - Blank Generation


Nous sommes venus, nous avons vu, nous sommes partis

elvis-costelloMais Stiff ne s'est pas limité aux Damned et à Nick Lowe, le label a aussi signé en 1976 le groupe américain Roogalator (un Little Feat du pauvre), Lew Lewis (ex harmoniciste d'Eddie and The Hot Rods), Sean Tyla (ex guitariste des Ducks Deluxe) et surtout Declan Mc Manus dont le pseudonyme est bien plus connu que son nom véritable, Elvis Costello. Ce dernier enregistre son 1er album (My Aim is true) pour Stiff avec le concours du groupe américain Clover. Les deux premiers 45 tours (« Less Than Zero », « Alison ») ne marchent pas trop. C'est le passage à Top Of the Pops et l'aide du DJ John Peel qui vont permettre à Costello de connaître un succès grandissant. On remarquera au passage que les signatures du label concernent surtout des perdants du show-bizz qu'il s'agisse de Costello, de Sean Tyla ou de Nick Lowe. Ces derniers n'auraient eu aucune chance sans de percer sans l''audace de Robinson et Riviera.

Elvis Costello - Watching The Detectives

Les tournée Stiff

La 1ère tournée comprenait 5 groupes d'où son titre alternatif 5 Live Stiffs : Elvis Costello and The Attractions, Ian Dury and the Blockheads, Wreckless Eric, Nick Lowe et l'ex guitariste des Pink Fairies récemment disparu, Larry Wallis. L'idée originale était que l'ordre de passage des groupes changerait à chaque date bien Ian Dury et Costello était les artistes les plus connus. Chaque soirée se terminait par une version collective du tube de Ian Dury « Sex, Drugs & Rock & Roll ». Il y eut encore deux tournées Stiff du même genre, la seconde comprenait Wreckless Eric, Lene Lovich, Jona Lewie, Mickey Jupp et Rachel Sweet, la troisième en 1980 Ten Pole Tudor, Any Trouble, Joe « King » Carasco and the Crowns.


Même s'ils sont morts, nous les signerons

ian-duryJusque là tout allait bien : l'album de début de Ian Dury, New Boots and Panties se classe dans les charts. Il y restera deux ans tandis qu'en novembre 1977, Costello décroche un classement au top 20 avec le fabuleux « Watching The Detectives ». Mais Costello qui a modérément apprécié l'alcoolisme généralisé de la tournée Stiff, quitte la label pour le label rival du désormais frère ennemi Jake Riviera, Radar Records en compagnie de Nick Lowe et des Yachts. Selon Robinson « On avait un gros deal avec CBS ce qui devait nous permettre de continuer pendant au moins 2 ans mais Jake sauta sur l'occasion et y vit une opportunité pour lui et s'appropria le contrat. Il ne s'imaginait pas que l'on pourrait survivre sans lui, alors ce fût une raison supplémentaire pour continuer ». Heureusement pour Robinson, le succès de New Boots and Panties et de « Hit Me With Your Rhytm Stick », numéro 1 fin juin 1979 (900 000 exemplaires vendus) compensa largement le départ de Riviera dont le label s'échoua un an après sa création.

Ian Dury - Sex & Drugs & Rock & Roll

Vous me trouverez toujours à la cuisine pendant les fêtes

jona-lewieRobinson continue son petit bonhomme de chemin et signe des artistes qu'aucun autre label raisonnable n'aurait engagé comme Lene Lovich auteure de « Lucky Number » et surtout de Jona Lewie auteur de l'ironique « You'll always Find Me In The Kitchen at Parties ». On se rappellera aussi de « Stop The Cavalry » (1981) du même Jona Lewie. Outre ces bizarros, Stiff a la bonne idée de signer Madness ce qui permettra au label de surnager pendant quelques années. Mais les rêves parfois se transforment en cauchemar. Robinson a toujours été fasciné par la trajectoire d'Island Records. A tel point qu'Island rachète 50 % de Stiff en 1983. De fait Island est proche de la faillite et que c'est Stiff qui renfloue Island. Robinson fera encore quelques coups mémorables : Frankie Goes To Hollywood, L'album de U2 The Unfergottable Fire pour Island, la signature des Pogues pour Stiff. Mais le départ de Madness signera la fin de Stiff en 1985. En 2007 ZZT réactualise le label.

Jona Lewie - Stop The Cavalry

Tuer le temps, c'est assassiner la créativité

Dave Robinson a toujours encouragé ceux qui désiraient se lancer dans l'aventure de la création d'un label : « Nous avons toujours dit comment faire à ceux qui voulaient créer leur propre label. Nous avons toujours été un encouragement. Si nous avons pu le faire, vous pouvez le faire ! ». En conclusion citons quelques uns des artistes que Stiff a fait connaître : The Prisonners, Dave Stewart, Tracy Ullman, Graham Parker, The Bongos, Devo, The Feelies, Ian Gomn, Motorhead, The Adverts, The Rumour, The Plasmatics, The Go-Go's, The Belle Stars, Desmond Dekker. Inventif, créatif, subversif tel était Stiff, le bon vieux temps ne reviendra pas...


Source interview Dave Robinson The Indépendant


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